Albert Séverin Roche

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Albert Roche
Albert Séverin Roche lors de sa réception par Ferdinand Foch en 1918
Biographie
Naissance
Décès
Surnom
Le premier soldat de France
Nationalité
Allégeance
Activité
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Arme
Conflit
Grade
Distinction

Albert Fernand Séverin Roche (RéauvilleAvignon), est un soldat français ayant combattu pendant la Première Guerre mondiale.

Il est connu pour être le soldat français le plus décoré de cette guerre, avoir été blessé neuf fois et avoir capturé un total de quelque 1 180 soldats allemands. Il est surnommé « le premier soldat de France » par le maréchal Ferdinand Foch.

Biographie[modifier | modifier le code]

Origines[modifier | modifier le code]

Né à Réauville dans la Drôme, Albert Roche est le fils d'un cultivateur, Séverin Roche, et de Louise Savel[1], troisième fils dans une modeste famille nombreuse.

Première Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

En 1914, à 19 ans, lors de la mobilisation, le conseil de révision le refuse, l’estimant trop chétif pour servir, à la grande joie de son père, qui a besoin de bras pour faire tourner la ferme.

Albert veut cependant coûte que coûte se battre. Devant l’opposition de son père, il fait son sac et se sauve. Il se présente au camp d’instruction d’Allan, qui l’affecte au 30e bataillon de chasseurs[2].

Son incorporation se passe mal : mal noté, mal-aimé, il s’énerve et s’enfuit. Aussitôt rattrapé, il est envoyé en prison pour désertion.

Insigne du 27e BCA. Devise : « Vivre libre ou mourir », devise du bataillon des Glières et « Toujours à l'affût ».

Il se défend en ces termes : « Les mauvais soldats, on les expédie là-haut, et moi je veux aller où l’on se bat. »

Il est alors envoyé le au 27e bataillon de chasseurs alpins engagé dans l’Aisne, bataillon surnommé « diables bleus » par les Allemands.

Il se porte volontaire pour aller détruire un nid de mitrailleuses. Rampant jusqu’aux tranchées ennemies, il parvient à proximité de la cible, atteint le tuyau de cheminée du poêle autour duquel se pressent les Allemands pour se chauffer et y fait tomber une poignée de grenades. La position est neutralisée : il y a plusieurs morts et les survivants se rendent, croyant être attaqués par un bataillon entier. Albert revient à sa base avec les mitrailleuses et huit prisonniers[3].

Le , il est distingué comme chasseur de première classe[2].

Régulièrement en première ligne, il se trouve un jour être le seul survivant de sa position, une tranchée au Sudel en Alsace, tous ses camarades ayant été tués. Il positionne alors tous les fusils des morts avec lesquels il tire alternativement, faisant croire à l’ennemi à la résistance d’une garnison et le mettant en déroute[2].

Régulièrement volontaire pour des missions de reconnaissance, il est un jour fait prisonnier avec son lieutenant blessé. Isolé dans une casemate lors d’un interrogatoire, il parvient à maîtriser et tuer son interrogateur, dont il a subtilisé le pistolet. Ne s’arrêtant pas là, il ramène 42 nouveaux prisonniers et son lieutenant blessé sur son dos.

Lors d'une offensive de la bataille du Chemin des Dames, son capitaine est grièvement blessé et gît entre les lignes. Il rampe alors sous le feu au péril de sa vie pendant six heures pour le rejoindre, puis encore quatre heures pour le ramener avant de le confier aux brancardiers. Épuisé, il s’endort dans un trou de guetteur. Il est réveillé par une patrouille qui le prend pour un déserteur. « Abandon de poste sous le feu, fusillé dans les 24 heures ». Malgré ses dénégations, sans témoin et en période de mutinerie, il est envoyé au cachot en attente de l’application de la sentence. Il écrit alors à son père « Dans une heure je serai fusillé, mais je t’assure que je suis innocent. ». Il est emmené au peloton d’exécution qui s’apprête à faire sa besogne lorsqu’une estafette l’interrompt : le capitaine est sorti juste à temps de son coma et apporte son témoignage le disculpant[3].

Le chasseur Roche est nommé chevalier de la Légion d'honneur le avec la citation suivante[2],[4],[5] (voir infra) :

« Chasseur dont la bravoure est légendaire au bataillon. Fait preuve, dans les circonstances les plus difficiles, d'un mépris absolu du danger ; conserve un calme absolu aux moments les plus critiques, donne à ses camarades l'exemple de l'entrain, exalte leur courage, est pour ses chefs un auxiliaire précieux. Pendant les opérations du , a réussi comme agent de liaison à transmettre à toutes les sections de sa compagnie les ordres du commandant, n'hésitant devant aucun danger, triomphant des difficultés de toutes sortes, montrant un rare esprit de décision, une conscience au dessus de tout éloge. Médaillé militaire pour faits de guerre (sept citations). »

— 

Il reçoit la croix de la Légion d'honneur des mains du commandant de l'armée des Vosges, le général de Maud'huy. Il est invité à la table du général Mangin.

Après-guerre[modifier | modifier le code]

Cérémonie du choix du soldat inconnu destiné à reposer sous l'Arc de Triomphe ; citadelle souterraine de Verdun (Reconstitution).
Albert Roche (à gauche) et le généralissime Foch (à droite) en 1918.

Au cours du conflit, il a été blessé neuf fois et a fait 1 180 prisonniers à lui seul[6]. À la fin du conflit, à 23 ans, il est toujours soldat de première classe.

Le , il est présenté au balcon de l’hôtel de ville de Strasbourg par le généralissime Foch devant une immense foule en liesse en ces termes : « Alsaciens, je vous présente votre libérateur Albert Roche. C'est le premier soldat de France ! » Peu de temps auparavant, Foch a découvert avec étonnement les états de service du soldat, au vu desquels il s’était écrié : « Il a fait tout cela, et il n’a pas le moindre galon de laine ? »

Le 11 novembre 1920, il porte, avec sept de ses camarades, le cercueil du Soldat inconnu lors de la cérémonie à l’Arc de Triomphe[7].

Il fait ensuite partie de la délégation française conduite à Londres en 1925 par le général Gouraud pour assister aux obsèques du field marshal Lord French. Il est convié à la table du roi George V avec cinq représentants de l’Armée[6],[8].

Fin de vie[modifier | modifier le code]

Il retourne ensuite chez lui à Valréas dans le Vaucluse, où il travaille modestement comme cantonnier[9]. Il y épouse, en , une femme de Colonzelle de la Drôme voisine[6],[10].

Il est affecté comme pompier à la poudrerie de Sorgues[6],[9]. En , il est renversé à Sorgues par une voiture à sa descente d'autocar[11]. Transporté à l'hôpital Sainte-Marthe d'Avignon, il y décède le , à l'âge de 44 ans.

Édouard Daladier demande que les honneurs militaires lui soient rendus lors des obsèques. Une semaine après, il transmet un don anonyme de 20 000 francs à sa veuve[12] (soit environ 1 120 000 euros de 2023[13]).

En 1971, la municipalité de Réauville fait ériger une stèle à sa mémoire devant sa maison natale[14],[15].

D'abord inhumé à Sorgues, le corps d'Albert Roche est transféré le au cimetière Saint-Véran d'Avignon, où il repose toujours[16] (carré 40, rangée Nord, tombe 15).

Exposition[modifier | modifier le code]

En , une exposition lui est consacrée au musée des troupes de montagne de Grenoble[17].

Hommage[modifier | modifier le code]

En juin 2018, La Poste émet un timbre à la mémoire d'Albert Roche[18].

La chanson The First Soldier du groupe de heavy metal suédois Sabaton fait référence aux actes d'Albert Séverin Roche pendant la Première Guerre mondiale[19],[20].

Décorations[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Acte de naissance no 4/1895 de la commune de Réauville.
  2. a b c d e f et g Archives départementales de la Drôme, « Registre matricule militaire de Montélimar - dossier no 459/1915 - vues 967 à 973/1066 ».
  3. a et b Bourquard 2014.
  4. « Patriote - Court-métrage », sur Kickstarter (consulté le ).
  5. « Albert Roche, 1er soldat de France », sur etudessorguaises.fr (consulté le ).
  6. a b c et d Pierre Miquel, La Grande Guerre au jour le jour, Paris, Fayard, , 457 p. (ISBN 978-2-213-02284-0, lire en ligne), p. 419-421.
  7. Hommage au héros de guerre Albert Séverin Roche dimanche 25 novembre 2018 à Réauville (Drôme), ONACVG, .
  8. « Albert-Séverin Roche "premier soldat de France" héros de légende meurt victime d'un accident d'automobile - Le film sans gloire d'un brave », sur Paris-Soir, (consulté le ).
  9. a et b « Albert Roche, premier soldat de France, oublié de la première guerre mondiale entre Drôme et Vaucluse », sur France Bleu, (consulté le ).
  10. « Une commune en fête - Le 2ᵉ Poilu de France se marie - C'est Albert Roche de Réauville », sur Journal de Montélimar (sur RetroNews, site de presse de la BnF), (consulté le ).
  11. « Le Radical de Marseille », sur Gallica, (consulté le ).
  12. « L'Ouest-Éclair », sur Gallica, (consulté le ).
  13. « Convertisseur franc-euro », sur Insee (consulté le ).
  14. « Buste à mi-corps d'Albert-Séverin Roche - Inventaire Général du Patrimoine Culturel », sur patrimoine.auvergnerhonealpes.fr (consulté le ).
  15. « Buste à mi-corps d'Albert-Séverin Roche », sur www.pop.culture.gouv.fr (consulté le ).
  16. « Chiffre du jour : il y a un siècle, un Vauclusien accompagnait le cercueil du soldat inconnu », sur France Bleu, (consulté le ).
  17. « « Un héros oublié » : une exposition sur Albert Roche au Musée des troupes de montagne », sur www.placegrenet.fr, (consulté le )
  18. « Collector 8 timbres - Mémoire de Héros - International (sauf Chine) », sur www.laposte.fr (consulté le )
  19. MetalDen, « SABATON - Heroes Of The Great War : nouvel EP - The First Soldier : hommage au soldat français Albert Séverin Roche », sur RockMeeting - Rock / Metal mélodique, (consulté le )
  20. (en-US) « The First Soldier », sur Sabaton Official Website (consulté le )
  21. « Paris-soir 16 avril 1939 - (16-avril-1939) », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles de presse[modifier | modifier le code]

  • Georges Bourquard, « À Albert Roche, la patrie si peu reconnaissante… », Le Dauphiné libéré,‎ (lire en ligne)
  • « Albert Roche », Le Bleuet, no 97,‎
  • Michel Merckel, « Albert Séverin Roche : l’anti-héros », L'Express Hors série, no 3,‎ décembre 2013 - janvier février 2014, p. 162 :

    « extrait du livre du même auteur 14-18, le sport sort des tranchées un héritage inattendu de la Grande Guerre, Le Pas d'oiseau, , 145-146 p. (ISBN 978-2-917971-36-9 et 2-917971-36-3, OCLC 869771388, lire en ligne) »

Livre[modifier | modifier le code]

Dominique Lormier, Albert Roche, premier soldat de France 1914-1918, Le Retour aux Sources, , 194 p. (ISBN 9781913057572)

Autre document[modifier | modifier le code]

Feuillets du matricule militaire d'Albert Roche (archives « registres matricules » de la Drome) : p973, p972, p971, p970, p969, p968 et p967.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]